Cher Alan
Tu n’as pas voulu, petit, je sais. Tu n’as pas voulu partir en mer pour fuir l’horreur de ton pays, on t’y a emmené de force, mais surtout pour ton bien. Tu n’as pas voulu, petit, perdre l’étreinte de ton père qui essayait de te tenir au dessus de l’eau, et ce, à la vue de ta mère et de ton frère, dans cette mer, pour être aspiré dans ses profondeurs, emporté par la force du courant, créé par le bateau qui s’enfonçait irrémédiablement, lui aussi. Tu n’as pas voulu, petit, être ramené sur la grève, face contre terre, tes petits bras le long de ton corps, le visage dans le sable mouillé; tu n’as pas voulu, petit, devenir le symbole de la lutte contre la soi-disant logique politique implacable. Tu n’as pas voulu, petit, nous réveiller et nous amener, nous tous, sans exception, à réfléchir sur nos décisions, nos valeurs, nos actions, en oubliant jamais que nous avons tous été comme toi, petit, petit, si petit, au bord de la mer, avec un sceau, une pelle et des étoiles dans les yeux, construisant le plus beau des châteaux de sable. Tout ce que nous voudrions te donner mon chéri, c’est l’amour, l’Amour immense dont nous avons tous ressenti la force et surtout… le besoin gigantesque ce matin.