Le départ de Jacques

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Papa et moi 1963

57 ans. J’aurai cet âge en 2016. Le 12 Avril 2016 en fait. Mon papa avait cet âge-là quand il n’est jamais revenu d’un rendez-vous galant. D’ailleurs, il ne s’est même jamais rendu chez cette belle amoureuse qui l’ attendait à Longueuil, le 7 Janvier 1989. Sans pneus d’hiver, sans ceinture de sécurité, au volant de sa « Isuzu » turbo que je lui avais recommandée car j’en avais une et je l’adorais, il a perdu le contrôle et a continué sa course tout droit, au lieu de tourner dans la courbe, à la sortie du pont Jacques-Cartier, se dirigeant vers la route 132. A-t-il manqué la sortie « Longueuil » et a-t-il voulu, paniqué et trop tard, faire demi-tour? De toute façon, le Chrysler New-Yorker énorme, vieux, même pour cette époque, ne s’est même pas posé la question; il voulait lui, arriver vite à destination et n’a malheureusement pas vu cette petite voiture au comportement bizarre, lui barrer le chemin sur la voie rapide. Le choc fût violent. La collision se produisit du coté passager avant de la voiture de mon père. Sous l’impact, la « Isuzu » se plia en forme de « v ». La poitrine de papa se fracassa contre le volant de sa voiture, ce qui lui rompît l’aorte. Il survécût quelques minutes seulement, inconscient, à cette blessure fatale.

À 17:30, en ce samedi d’hiver ou il neigeotait, tout était immobile. Même les flocons de neige sur la photographie de la première page du « Dimanche-Matin ». Je restai en face de cette image, béât, hypnotisé, paralysé, ne croyant pas ce qui venait de se produire. Penché, à genoux, à l’intérieur du tas de ferraille, un ambulancier essayait d’agripper une forme grise au volant de ce qui restait d’une voiture. On ne distinguait pas les visages, mais mon cerveau et mon coeur ne pouvaient s’empêcher d’imaginer les traits du héros de mon enfance, tête baissée, yeux ouverts, recroquevillé sur lui-même, mais sourire aux lèvres, comme si le temps s’était arrêté au moment ou il écoutait la voix d’Yves Montand et qu’il chantait avec lui.

Papa et moi 1985

6 réflexions au sujet de « Le départ de Jacques »

    Lyna a dit:
    8 avril 2015 à 14 h 17 min

    Mon coeur se serre, de te lire, Alain.
    Ma belle-soeur, Claudette, a péri quasiment dans les mêmes circonstances.
    Un accident de voiture. Une bêtise immense dans un si court laps de temps…

    On ne se remet jamais complètement d’un décès.
    Un accident ou un suicide, c’est pire.
    On a en plus, l’envie de hurler à l’injustice.

    Puissent mes mots sinon apaiser ton coeur,
    lui dire que je t’accompagne dans cette douleur.

    On aimait tous ton père.
    Toi plus que tout le monde.
    Je souris en pensant à tous les moments heureux, privilégiés, que tu a connus avec lui.
    De mon père, je n’en ai aucun.
    Tu me bats sur ce terrain là. 😉

    Mes pensées et mon amour sont avec toi, mon ami que j’adore.
    xxxx

    Micheline Corriveau a dit:
    8 avril 2015 à 14 h 28 min

    Ça m’a donné mal à l’estomac et à mon coeur de lire ce récit. On ne doit jamais oublier un tel événement! En faire son deuil doit être difficile. Mais la vie est là ainsi que tes ami(es) FB dont moi 🙂

    Vallée a dit:
    8 avril 2015 à 14 h 37 min

    WOW Comme c’est touchant! Merci pour cette magnifique histoire, Alain.
    Il n’y a jamais de meilleur temps pour perdre ses parents, Qu’on soit jeune enfant,
    adolescent , jeune homme ou adulte, la douleur est insoutenable.
    On dirait que nos parents ne peuvent pas partir, pas maintenant, pas encore.
    Surtout quand c’est une mort brutale… Alors je t’offre mes sympathies avec plusieurs années de retard mais quand même, il doit avoir des moments comme celui ci ou c’est plus difficile de ne pas y penser.
    Merci pour ce beau témoignage et bonne fin de journée!

    Jasmine a dit:
    9 avril 2015 à 7 h 48 min

    Que dire de plus… Les mots me manquent autant que le texte m’a touchée… Je ne peux imaginer ce que l’on peut ressentir, même après toutes ces années, lorsqu’on perd notre papa de façon tragique. Je t’embrasse mon beau Alain et mon cœur est avec toi dans ces douloureux souvenirs. Ton amie.

    Genevieve Langlois a dit:
    9 avril 2015 à 17 h 28 min

    C’est beau ce que tu écris Alain.Vraiment.Que j’ai aimé ton papa.Il a m’a vu.Je me souviendrai toujours,il m’avait serré dans ses bras a l’école de theatre,et m’avait dit, toi c’est ca que tu as besoin,tu es sauvage.Il m’avait écrit un mot aussi après la premiere année.J’ai encore la carte.J’ai vraiment adoré ton pere.Un être magnifique,drole,l’oeil allumé,qui avait ce don de voir les gens.x

    Huguette Hall a dit:
    12 avril 2015 à 8 h 24 min

    Perdre un etre cher est eprouvant et ce doit etre encore pire dans un tel contexte…. Je t’envoie de bonne vibrations pour mettre un baume sur ton ame . On dit que le temps…….mais ils ne disent pas combien de temps !
    Prends soin de toi !

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